À son arrivée à Montréal, Valentin Tyteca est saisi par l’omniprésence des briques rouges dans l’architecture de la ville. Toujours prisées dans les constructions récentes, elles font écho à l’esthétique des quartiers industriels et ouvriers du XIXème siècle, partagée avec certaines régions d’Europe.
L’artiste, qui a grandi dans une ville du nord de la France fortement marquée par la désindustrialisation de la fin du XXème, s’intéresse à l’impact du capitalisme sur le monde du travail. Comment les emplois se précarisent et s’uberisent-ils ? Comment créer du commun au travail, quand celui-ci est délocalisé, intérimaire ou qu’il s’effectue à distance ?
Pour l’installation Good to know you (2024), l’artiste s’est inspiré de publicités d’agences de placement qui mettent en scène des protagonistes heureux·ses, nouant des relations de confiance dans des contextes où l’entreprise prend visiblement soin de ses employé·es. En réinterprétant ces images d’Épinal modernes sur des plaques de faux-plafond, Valentin Tyteca met en évidence la fabrication de l’image d’entreprise tout en faisant un clin d’oeil aux plafonds de verre qui empêchent l’ascension sociale. Les personnage au premier plan semblent absorbés par le fond, comme s’ils étaient aliénés par l’entreprise ou qu’ils ne faisaient plus qu’un avec les murs de l’open-space. Les couleurs et le traitement de l’image, ainsi que la composition qui noie les personnages dans une case blanche, évoquent l’esthétique du roman graphique. Mais dans quel type de fiction évoluent les personnages que nous jouons au travail ? Quels rôles performons-nous ?
Par leur déploiement dans l’espace, ponctué par les lignes de poussière de brique de Cubicle (2024), les peintures nous invitent à circuler et nous interrogent quant à nos « parcours » et à nos « évolutions ». En équilibre, elles évoquent l’insécurité de l’emploi et la fragilité des situations économiques qui y sont liées. Par son architecture hybride qui fait tant écho aux usines qu’aux bureaux immaculés, l’œuvre trace subtilement la disparition des repères passés du travail salarié pour mieux rechercher ceux qui, silencieusement, perdurent.
Cécile Renoult, commissaire de l'exposition de Valentin Tyteca, Employee of the week (2024), Union Française de Montréal

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